jeudi 5 septembre 2013

Génération Médiation : 1 an déjà ! (Reprise d'un article-interview de Village de la Justice)

« Génération Médiation » - Entretien avec Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris.

A l’occasion de la journée Génération Médiation, la justice change. Et vous ?" qui était organisée par le barreau de Paris le 25 octobre 2012, la rédaction du Village de la justice a interrogé Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, qui souhaite sensibiliser l’opinion pour que la médiation se développe rapidement comme une véritable alternative.

Laurine Tavitian : Pourquoi avoir choisi le titre accrocheur "Génération médiation" ?
Pour l’instant la médiation n’a pas encore conquis la profession. Il me parait important que tous les promoteurs de la médiation et les acteurs de l’accès au droit et de la justice s’en emparent. Il est grand temps d’arrêter d’avoir un discours angélique sur la médiation si nous voulons qu’elle devienne une véritable alternative au règlement des litiges. Les jeunes avocats et magistrats y sont sensibilisés, les jeunes acteurs de demain de la société civile et économique ont déjà la mentalité, le réflexe médiation. La génération médiation est une réalité, je souhaite que cette génération rende la médiation concrète et opérationnelle.
L’année 2013 sera au barreau de Paris l’année de la médiation.
L.T. : Comment se développe actuellement la médiation ? Rapidement ou pas assez ?


C.F.S. : Indiscutablement pas assez alors que tous ceux qui, contraints ou volontairement, font de la médiation se rendent compte de l’efficacité du dispositif. Tous ceux qui font l’effort de passer par la formation et comprennent les mécanismes changent le regard qu’ils portent sur la médiation. Il n’y a pas assez de recours au processus de médiation aujourd’hui, ce n’est pas un réflexe répandu. Je voudrais que cette génération médiation favorise ce réflexe quasi automatique et applicable à tous types de conflits. Il y a toujours une solution alternative. L’intérêt de la médiation est de pouvoir aller chercher des solutions en dehors du périmètre défini par les parties. C’est vraiment une technique différente, un regard différent sur la justice et le règlement du litige, les justiciables se réapproprient leur litige et adoptent une justice qualitative parfois mieux adaptée.
L.T. : Pourquoi l’avocat est-il un acteur à privilégier pour la médiation ?
C.F.S. : L’avocat est l’acteur idéal pour mener à bien une médiation, en conseillant son client de recourir à une médiation, en étant lui-même médiateur après s’être formé, en accompagnant son client dans une médiation. Pour sa connaissance du droit bien sûr, parce que le droit est présent même s’il y a une dimension émotionnelle et psychologique dans la médiation. L’avocat tient également un rôle déterminant dans la médiation pour son éthique et sa maîtrise de la confidentialité, pour sa connaissance du contentieux qui lui permet de mesurer les avancées d’une médiation par rapport à un contentieux. Il a donc un regard et une hauteur de vue qui lui donnent une place de choix qui m’apparait évidente. L’avocat peut jouer ce rôle de médiateur ou de conseil d’une partie à une médiation. Plus, il y aura d’avocats formés à la médiation, plus cela fonctionnera à l’avantage du justiciable et d’une justice performante.
L.T. : Comment faire pour développer la médiation auprès des avocats, hormis l’intégrer dans les programmes de formation ?
C.F.S.  : Comme je vous l’indiquais, l’année 2013 sera l’année de la médiation. J’invite tous les avocats à participer à des rendez vous qui seront fréquents, concrets et qui vont se décliner sur le terrain de la médiation pénale, familiale, commerciale, internationale, sociale…
Toutes les opérations dans lesquelles le barreau de Paris pourra être impliqué, que ce soit en France ou à l’étranger, seront des occasions de parler de la médiation parce que je crois à la contamination positive des bonnes idées. Je crois à la pédagogie, les représentants du barreau de Paris doivent expliquer, former, promouvoir, accompagner. Formation initiale des jeunes avocats et formation continue, toutes générations continues, voilà encore un défi que je lance.
C’est la raison pour laquelle j’ai délégué Michèle Jaudel, elle-même avocat et médiateur formé et agréé, pour organiser ce colloque « Génération médiation » et promouvoir la médiation au barreau de Paris mais également à l’extérieur, en ouvrant la commission médiation qu’elle à la mission d’animer à tous les acteurs : avocats, magistrats, entreprises, structures du monde associatif, pouvoirs publics, jeunes, étudiants universitaires et étudiants de grandes écoles, chercheurs, associations de médiateurs réunies et fédérées pour la seule cause de la promotion de la médiation avec toutes les garanties de la formation et de l’éthique.
Les retombées de ce colloque sont importantes pour annoncer un certain nombre de mesures et les proposer au gouvernement. Une feuille de route 2013 est élaborée de façon à mettre en mouvement la génération médiation : réflexions à mener sur le plan d’avantages fiscaux pour ceux qui passeraient par les procédures alternatives de règlement de litiges plutôt que par la voie judiciaire, aide juridictionnelle pour les justiciables recourant au processus de médiation, intégration de la médiation collective comme préalable à la procédure contentieuse de l’action de groupe, cette-dernière étant constitutive d’une proposition de loi en cours d’élaboration. Mais aussi, labellisation auprès de la Chancellerie d’une liste de médiateurs formés et agréés, mise en place d’un observatoire et de statistiques permettant de suivre l’évolution du recours à la médiation et de ses résultats et d’encourager les magistrats à la proposer aux justiciables.
L’objectif est qu’à la fin de cette journée, placée sous le patronage de Monsieur le Président de la République, François Hollande, des propositions concrètes soient faites.
Nous avons des exemples de pays où cela marche, comme le Canada. Monsieur François Rolland, haut magistrat québécois, est venu aujourd’hui porter la parole de ce qui se passe au Québec et témoigner avec enthousiasme que cela fonctionne. Il n’y a pas de raison que la France n’y parvienne pas, nous avons toute légitimité à développer la médiation. C’est une démarche de cohérence à laquelle j’invite tous les acteurs.
L.T. : La médiation est donc promise à un bel avenir ?
C.F.S. : Oui, je crois à la médiation mais j’y crois surtout parce que je l’ai testée et que j’ai vu que cela peut changer les comportements. Je relève le défi du « gagnant-gagnant », d’une justice restauratrice du lien social qui n’enlève rien au respect des normes et des lois, fondements des libertés et des démocraties. La justice apaisée, la paix sociale y participent.

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