lundi 26 mai 2014

Pourquoi insérer une clause de médiation dans les contrats signés par les sociétés de gestion ?

J'ai repris ce message d'un article de "Le Cercle.Les Echos". 
Article écrit par Michèle MAURAN, experte en asset management et cité dans la lettre d'actualités du CMAP de janvier 2014.
http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/finance-marches/autres/221186356/pourquoi-inserer-clause-mediation-contrats-sign

La gestion collective est de plus en plus complexe et réglementée, et les sociétés de gestion françaises ont un nombre croissant d’interlocuteurs, parfois étrangers, avec lesquels elles ont des liens contractuels, que ce soit avec leurs prestataires, dans le cadre de délégations diverses, ou avec leurs clients… Des divergences, des blocages, des contentieux peuvent survenir, et souvent, la seule issue envisagée est d’aller devant les Tribunaux.

La médiation est un mode alternatif de résolution des conflits efficace, plus rapide et moins onéreux qu’une procédure judiciaire. Elle permet surtout de régler le "différend" sur la base d’un accord construit par les parties elles-mêmes. Le taux de réussite est élevé, de l’ordre de 80 %.

Dans le cadre de la médiation, les parties sont invitées à s’écouter mutuellement et à se parler pour imaginer toutes solutions et à s’accorder sur l’une d’entre elles. La relation pourra éventuellement se poursuivre sur des bases satisfaisantes pour chacune des parties, alors qu’un jugement, au mieux, ne donne satisfaction qu’à une seule partie, et les relations commerciales sont rompues, souvent au détriment de toutes les parties prenantes.

Tout d’abord, un bref aperçu de ce qu’est, et n’est pas, la médiation :
En France, la médiation est principalement encadrée par la Directive 2008/52 CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale, transposée en droit français par l’Ordonnance 2011-1540 du 16 novembre 2011, et complétée par le Décret 2012-66 du 20 janvier 2012. On distingue la médiation judiciaire, ordonnée par le juge, de la médiation conventionnelle, qui nous intéresse ici, et qui une procédure extrajudiciaire.

La médiation est une procédure amiable et volontaire de règlement des conflits selon un processus structuré dans lequel les parties sont autonomes et libres : libres d’accepter ce mode de résolution du conflit, libres d’imaginer des solutions inédites, libres de choisir ensemble celle qui leur convient, libres de changer de médiateur, libres d’interrompre la médiation à tout moment et d’aller finalement devant les Tribunaux… Elles peuvent bien sûr se faire assister par leur conseil respectif.

Une médiation se fait sous l’égide d’un médiateur formé et agréé, qui assiste les parties dans la recherche d’une solution au différend. Le médiateur est choisi par les parties. Il se doit d’être neutre et impartial.

C’est un facilitateur qui aide à faire tomber les tensions pour arriver à un dialogue constructif. Il ne prend pas position. Il n’émet aucun avis, ni technique, ni juridique, contrairement à l’expert, et n’a aucun pouvoir décisionnel, contrairement à l’arbitre ou au juge. Il aide les parties à construire leur accord. Il est le garant de l’écoute mutuelle des parties et de la courtoisie des débats.

Un des grands principes de la médiation est la confidentialité qui s’applique tant au médiateur qu’aux parties, sauf en cas d’atteinte à l’ordre public. Aucune déclaration ou document produit lors d’une médiation ne pourra être utilisé ultérieurement dans un cadre judiciaire, sauf accord formel des parties. Cela préserve de toute publicité qui pourrait s’avérer nuisible.

Enfin, l’accord passé entre les parties s’assimile juridiquement à la transaction. L’accord pourra être formalisé par un avocat et éventuellement être homologué auprès d’un juge pour lui donner force exécutoires.

Les parties peuvent décider d’entrer en médiation en cours de procédure judiciaire. Dans ce cas, celle-ci est interrompue, mais pourra reprendre si les parties ne parviennent pas à trouver d’accord.

En conclusion, instaurer une clause de médiation dans un contrat manifeste d’entrée de jeu la volonté des parties de se parler et d’essayer de trouver une solution quelle que soit l’évolution de la relation.

Une telle clause est l’assurance qu’il y aura une tentative de résolution amiable d’un éventuel conflit. Évidemment si le problème ne peut être résolu par la médiation, la voie judiciaire reste toujours possible.

Ce que les sociétés de gestion ont à gagner à recourir à la médiation :
- Intervenir dès le début d’un malentendu et éviter que les choses ne s’enveniment. Le formalisme est plus léger et les délais plus courts pour une médiation que dans le cadre d’une procédure judiciaire classiques.
- Éviter une procédure judiciaire longue, coûteuse et consommatrice d’énergie qu’il est plus utile de consacrer à la bonne marche des affaires.
- Éviter une publicité préjudiciable à l’image de la société et/ou des dirigeants. Rien n’est public. Tout est confidentiel.
- Enfin, et ce n’est pas là le moindre de ses avantages, se parler, discuter dans une atmosphère dédramatisée peut faire émerger des solutions inédites, amener les parties à maintenir la relation et déboucher sur des accords nouveaux et plus productifs…

Recourir à la médiation conventionnelle est une démarche responsable humainement, constructive commercialement et financièrement moins lourde.

mardi 20 mai 2014

La médiation au Québec : les praticiens en marques de commerce s'y intéressent

L'article original (que je reproduis ici in extenso) est accessible sur le site de l'Institut d'Arbitrage et de Médiation du Québec (IMAQ) par le lien ci-dessous 
La médiation : Les praticiens en marques de commerce s’y intéressent!
     Pierre Gerardin


Cet exemple québécois (conférence et témoignages d'avocats sur leurs pratiques de médiations en PI) est-il reproductible en France ?


Le 12 février 2014 a eu lieu une conférence du Regroupement des praticiens du droit des Marques de commerce (RPM) intitulée Cas pratiques de médiation en matière de marques de commerce. Me Marjolaine Gagnon et Me Richard Levy, membres du comité de propriété intellectuelle de l’IMAQ, ont collaboré avec Me Chantal Desjardins, responsable du RPM, à la mise en œuvre de cette activité.
Les conférenciers étaient Me François Guay (Smart & Biggar Fetherstonhaugh) et Me Michael Erdle (Deeth Williams Wall et Practical Resolutions, Inc.).

Lors de la présentation, les conférenciers ont traité avec dynamisme de leur expérience concrète et vécue en médiation dans le cadre de conflits liés aux marques de commerce et à la propriété intellectuelle, l’un, Me Erdle, à titre de médiateur et l’autre, Me Guay, à titre d’utilisateur de service de médiation pour ses clients. Les expériences de médiation discutées ont été tant celles dont le médiateur est un protonotaire de la Cour fédérale du Canada que celles qui s’opèrent hors du contexte judiciaire avec la participation d’un médiateur privé.
Voici quelques thèmes abordés lors de cette conférence :
Les situations qui se prêtent le mieux à la médiation dans le cadre de conflits liés aux marques
Deux situations ont été soulevées :
  • Lorsque les parties emploient des marques depuis plusieurs années et que celles-ci entrent en conflit suite à l’évolution des produits et services des parties ou des canaux de distribution (ex. Tigre de Esso c. Tigre de Kellogg’s);
  • Lorsque les parties ont une relation d’affaires existante ou potentielle.
Les conflits qui s’y prêtent le moins
Les conflits découlant de contrefaçons se prêtent peu à la médiation. Prenons comme exemple le cas de mise en marché d’imitations de sacs à main portant une marque reconnue, et ce, sans autorisation. Peut-on réellement avoir confiance qu’un tel contrefacteur respectera une entente négociée?
Les avantages particuliers de la médiation dans le cadre de conflits portant sur les marques de commerce, ainsi que les solutions pouvant se concrétiser en pareille matière
Me Guay a abordé cette question sous l’angle suivant : pourquoi régler? Selon lui, la principale raison n’est pas nécessairement celle des frais. La première raison est la CERTITUDE. Au procès, tout peut arriver, alors que les parties contrôlent le résultat dans le cadre d’une négociation. La médiation apporte plus de latitude aux parties quant aux questions traitées ainsi qu’aux solutions.
Les deux conférenciers soulèvent le fait que la créativité a toute sa place en médiation et qu’il ne faut pas négliger les opportunités d’affaires qui peuvent se présenter dans le cadre de la négociation. Les opportunités suivantes, particulières aux marques de commerce, ont été discutées :
  • Les acquisitions;
  • L’octroi de licences;
  • Les ententes de coexistence de deux ou plusieurs marques sur le marché mettant fin à l’emploi créant la confusion entre les marques, mais permettant d’autres emplois;
  • Les modifications volontaires au registre des marques de commerce permettant de maintenir le registre propre et rendre l’accès à l’enregistrement plus difficile pour une tierce personne.
Certains pensent qu’une entente de coexistence affecte de façon négative les droits dans la marque de commerce, notamment quant à son caractère distinctif. Me Guay est d’avis qu’il s’agit d’une fausse croyance. À sa connaissance, aucun jugement n’a été rendu reprochant l’existence d’une entente de coexistence antérieure. Dans la mesure où une telle entente est adéquate et bien rédigée, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter pour le futur.
La nécessité ou non que le médiateur détienne une expertise pointue en matière de marques de commerce en plus d’une formation de médiateur
Selon les conférenciers, le médiateur doit détenir une expérience et une connaissance suffisante en marques de commerce pour bien saisir les enjeux et aider les parties à élaborer une solution gagnante-gagnante qui pourrait ne pas être évidente pour une personne n’ayant pas l’expertise suffisante en propriété intellectuelle. Au surplus, les parties et leur procureur ne désirent pas se trouver dans l’obligation de former le médiateur sur les notions de base en marques de commerce.
En ce qui concerne la formation en médiation, il semble malheureusement y avoir une disparité quant à la compétence et la formation des divers protonotaires agissant à titre de médiateur à la Cour fédérale.
Les facteurs de résistance à la médiation
Selon Me Guay, la première résistance proviendrait des avocats eux-mêmes! D’autres facteurs ont également été discutés :
  • Le fait que souvent l’une ou les deux parties prétendent que l’autre partie n’est pas raisonnable et que pour cette raison la médiation n’est pas souhaitable;
  • Il est trop tôt. Les parties n’ont pas toute l’information pertinente pour entamer la médiation;
  • Proposer ou accepter la médiation est un signe de faiblesse.
Quant au moment où la médiation devrait avoir lieu, les conférenciers ne s’entendent pas. Me Guay est d’avis qu’il y a plus de chances de succès lorsque les parties sentent la pression d’un procès imminent, alors que Me Erdle, médiateur, est d’avis que le plus tôt sera le mieux. Me Erdle propose aux avocats et parties de se questionner ainsi : est-ce qu’il y a lieu d’attendre parce que mon dossier sera plus solide plus tard? Si la réponse est non, pourquoi attendre?
Le sujet de l’apparence de faiblesse de la partie qui propose la médiation a soulevé l’intérêt des participants à la conférence. Plusieurs semblent rencontrer cette situation dans le cadre de leur pratique. Le message de Me Guay est clair : il faut cesser d’avoir cette crainte. Elle n’est pas fondée. Au surplus, selon lui une bonne offre de règlement soumise au bon moment peut favoriser la médiation. Cela crée la pression de régler. Il nous rappelle d’ailleurs l’existence de l’article 420 des Règles des Cours fédérales concernant les conséquences de la non-acceptation de l’offre d’une partie sur les dépens lorsque le jugement est aussi ou plus avantageux que les conditions de l’offre.
Sur la question de l’apparence de faiblesse, Me Erdle est du même avis que Me Guay et considère que le contraire est plutôt vrai. Plus votre dossier est solide, plus la médiation est susceptible d’être à votre avantage puisque vous aurez un plus grand pouvoir de négociation. Il ajoute que le défi dans toute médiation est de convaincre l’autre partie qu’il est dans son intérêt supérieur de régler et qu’il s’agit des meilleures conditions qu’elle obtiendra.
En somme, ce fut une excellente occasion de discuter de médiation avec plus de 25 praticiens du droit des marques de commerce et par conséquent, une tribune de choix afin de promouvoir la pratique de la médiation dans le cadre de conflits liés aux marques.
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